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Laura Palmer, « la rêverie travaille en étoile »





« Vie 

Je suis tes deux directions
Demeurant tant bien que mal suspendue vers le bas
Le plus souvent
Mais forte comme une toile d’araignée dans le vent — j’existe dans le givre froid et scintillant.
Mais mes rayons perlés ont les couleurs que j’ai vues dans un tableau — 
Ah vie ils t’ont trompée »

Fragment de notes, Marilyn Monroe
Photo




David Lynch et Mark Frost partagent une fascination pour la défunte star Marilyn Monroe. Ils ont travaillé ensemble sur une adaptation à l’écran de la vie de l’icône américaine mais n’ont pas été plus loin que l’écriture d’un script intitulé : « Venus Descending ».
Lynch aurait finalement eu peur que le poids de l’histoire de la jeune femme ne pénalise la fiction. Ce projet évoluera et aboutira, deux ans plus tard, à la série Twin Peaks. Cette série de deux saisons et de 29 épisodes sera diffusée pour la première fois le 8 avril 1990.

Twin Peaks est le nom d’une petite ville du nord ouest américain, proche de la frontière canadienne, bordée de forêts d’immenses Pins Douglas.
Un pécheur découvre le corps d’une adolescente, Laura Palmer, assassinée et emballée dans un film plastique. 
Cette fiction est une symphonie des genres ; on y retrouve l’intrigue policière (« qui a tué Laura Palmer »), et la référence au film noir ; de nombreux codes du « soap opera » auxquels s’ajoute une dimension fantastique. Le motif initial de la mort de Laura et de l’enquête menée par l’agent spécial Dale Cooper pour retrouver le meurtrier glisse progressivement vers les histoires des personnages secondaires puis devient une forme de conte initiatique dans lequel Cooper oscillera entre le salut de la « loge blanche » et la damnation de la « loge noire »

Log Lady: [voiceover] "Welcome to Twin Peaks. My name is Margaret Lanterman. I live in Twin Peaks. I am known as the Log Lady. There is a story behind that. There are many stories in Twin Peaks — some of them are sad, some funny. Some of them are stories of madness, of violence. Some are ordinary. Yet they all have about them a sense of mystery — the mystery of life. Sometimes, the mystery of death. The mystery of the woods. The woods surrounding Twin Peaks. To introduce this story, let me just say it encompasses the All — it is beyond the "Fire", though few would know that meaning. It is a story of many, but begins with one — and I knew her. The one leading to the many is Laura Palmer. Laura is the one."
 
La Log Lady introduit Twin Peaks au spectateur par ce monologue en ouverture du pilote.
« Laura is the one ». A la manière de Laura Hunt dans la première moitié du film de Preminger, Laura Palmer n’apparaît jamais véritablement, hormis son cadavre dès les premières minutes. Par la suite, on la découvre dans des images du passé : dans les nombreux, et parfois très différents, souvenirs des autres personnages, ou sur des supports d’enregistrements comme des photos ou vidéo. Elle dicte le déploiement de la série et, bien que disparu, elle ordonne en nœud invisible la vie des habitants de Twin Peaks. Lors d’un entretien, le réalisateur Chris Rodley propose à Lynch la qualification « de centre vide » pour désigner Laura.
Une certaine parenté unit donc Laura Palmer et Marilyn Monroe. Et Laura comme Marilyn devient un sujet du mythe de l’amour, idéalisée et adorée, suscitant un véritable culte. SI cette aura de star se perçoit sur les spectateurs, Laura exerce cette fascination en premier lieu, et dans le même mode, sur un grand nombre d’habitants de Twin Peaks, hommes et femmes confondus. 
Laura était « Miss Beauté » de la ville (Morin rapporte que de nombreuses stars ont été elles aussi des Miss à un niveau local ou national). Le générique de fin défile sur une photo encadrée de l’adolescente dans son costume de reine de beauté, le visage légèrement incliné à la manière de la Venus de Botticceli. Cette disposition qui la rend adorable, rappelle le premier archétype de Morin : la « vierge innocente, aux lèvres légèrement entrouvertes ».
Mais Laura a plusieurs visages. Plus tard, on la voit accompagner les jeux pervers d’individus sinistres dans des bars saturés de lumière rouge. Ce visage à ce moment est sans innocence. Il acquiert quelque chose de l’audace sulfureuse de la Laura de Giorgione, et glisse vers le modèle de la « grande prostitué » décrit par Morin.

« La rêverie travaille en étoile. Elle revient à son centre pour lancer de nouveaux rayons. »  Bachelard

Laura Palmer est un centre physiquement absent de Twin Peaks ; ce centre a maintenant élu domicile dans l’esprit des habitants, puis dans l’esprit des spectateurs.
Ce « centre vide » incarne paradoxalement une abondance de manifestations, parfois opposées, et toutes potentiellement fascinantes. Les « archétypes » de Morin en sont un exemple.

Ici la coquille perd de sa substance physique,  mais cela ne diminue pas sa puissance. Même plus, elle semble permettre ce travail en étoile, où de nouveaux rayons partent de ce centre éloigné à chaque nouvelle approche.
Dans cette expérience, le personnage de l’agent Dale Cooper offre un pont au spectateur comme pouvait le faire McPherson dans le film Laura d' Otto Preminger. Comme Cooper, le spectateur gravite autour de Laura et peut partager le même désir inaccessible de l’approcher.
Dans le 3ème épisode,  Cooper fait un rêve visionnaire de Laura. Elle lance son appel dans la semi réalité de ses songes. Cooper est le personnage qui met en branle l’intrigue et qui permet alors le déploiement en étoile de Laura. 







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